Les rapports des cercles mineurs présentés en salle du Synode
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La treizième Congrégation générale, qui s'est déroulée jeudi 17 octobre après-midi, était consacrée à la présentation des rapports rédigés par les cercles mineurs. 177 pères synodaux étaient présents, ainsi que le Pape François. Les contributions, remises au Secrétariat général du Synode, ne constituent pas un document officiel du Synode ni un texte de magistère. Il s'agit plutôt d'un résumé des discussions qui ont eu lieu entre les participants de l'assemblée synodale.
Ce Synode est un don précieux de l'Esprit Saint pour l'Amazonie et pour toute l'Église, tant du point de vue théologique et pastoral que pour la protection de la maison commune; c'est aussi une occasion favorable pour l'Église de se réconcilier avec l'Amazonie: tel est le fil rouge qui unit les douze rapports des cercles mineurs présentés dans la salle le jeudi après-midi.
Un Synode universel
Tous les textes lus publiquement expriment l'espoir qu'en Amazonie un nouveau chemin synodal se développera, et qu'après cette rencontre des évêques, un nouveau départ sera pris, avec une ardente passion missionnaire, propre à une véritable Église en sortie. De nombreuses propositions, concrètes et variées, précisent aussi que le Synode actuel n'est pas simplement régional mais universel, car ce qui se passe en Amazonie affecte le monde entier.
L'Église actrice de la lutte contre la violence
Pour l'Église, il est impératif d'écouter le cri des peuples et de la terre, de ne pas se taire, de rester du côté des pauvres pour ne pas se tromper, et de dire “stop à la violence”. En Amazonie, celle-ci a plusieurs visages: la violence dans les prisons surpeuplées; les abus et l'exploitation sexuelle; la violation des droits des peuples autochtones; le meurtre des défenseurs des territoires; le trafic de drogue et le narcotrafic; l'extermination de la population jeune; la traite des êtres humains; le féminicide ou la culture machiste: des maux à combattre car ils tuent les personnes, la culture et l'esprit. La condamnation de l'extractivisme systématique et de la déforestation est claire. Un participant a souligné le lien entre l'abus des plus faibles et l'abus de la nature. Parmi les différentes situations d'urgence mises en évidence, la crise climatique a bénéficié d'une large place.
Proposition d'Observatoire ecclésial international des droits de l'homme
Ce sont les autochtones qui paient de leur vie le prix le plus élevé, parce qu'ils ne sont pas aidés, ils ne sont pas protégés sur leur territoire. C'est pourquoi plus d'un cercle mineur a appelé à la création d'un Observatoire ecclésial international des droits de l'homme, car la défense des peuples et de la nature doit être une prérogative de l'action ecclésiale et pastorale. Il a également été suggéré que les paroisses créent des espaces sûrs pour les enfants, les adolescents et les personnes vulnérables. Le droit à la vie de tous, de la conception à la mort naturelle, a été réaffirmé.
L'Église n'est pas une ONG
Comme le souligne l'un des rapports, l'Église a la tâche d'accompagner le travail des défenseurs des droits de l'homme, souvent criminalisés par les autorités publiques. Toutefois, elle doit éviter de ressembler à une ONG. Ce risque, ainsi que celui de se présenter sous une apparence purement ritualiste, provoque souvent l'évasion de nombreux fidèles, qui cherchent des réponses à leur soif de spiritualité auprès des sectes religieuses ou d'autres confessions. De certains cercles mineurs émane la demande de poursuivre le dialogue œcuménique et interreligieux avec plus d'énergie. La mise en place de deux centres d'échanges et de confrontation, l'un en Amazonie et l'autre à Rome, entre théologiens du RELEP (Réseau d'études pentecôtistes d'Amérique latine) et théologiens catholiques, est proposée.
Ministères, laïcs et rejet du cléricalisme
Un ministère de présence, destiné à éviter le cléricalisme, est invoqué. À cet égard, un plus grand rôle doit être attribué aux laïcs. Presque tous les cercles mineurs ont demandé un approfondissement de la signification de «l'Église ministérielle», c'est-à-dire d'une Église où coexistent la coresponsabilité et l'engagement des laïcs. Le cercle "Espagnol A" a par exemple demandé que les ministères soient conférés de manière équivalente aux hommes et aux femmes, tout en évitant le risque de cléricaliser les laïcs. D'une manière général, on a demandé une réflexion approfondie sur l'attribution des ministères du lectorat et de l'acolytat à des femmes, religieuses ou laïques, convenablement formées et préparées.
Femme et diaconat
Il est aussi demandé de reconnaître la grande valeur offerte par la présence des femmes dans leur service spécifique à l'Église en Amazonie. Par exemple, sur le lieu de travail, il faudrait garantir le respect des droits des femmes et le dépassement de tout stéréotype. La plupart des cercles mineurs ont demandé qu'une attention particulière soit accordée à la question du diaconat pour les femmes dans la perspective du Concile Vatican II, en gardant à l'esprit que de nombreuses fonctions de ce ministère sont déjà remplies par des femmes dans la région. Cependant, il a été suggéré, dans plus d'une intervention, d'approfondir ce thème au cours d'une autre assemblée d'évêques, où peut-être les femmes pourraient avoir le droit de vote.
Prêtrise et viri probati
Un Synode universel ad hoc sur le thème des viri probati a également été suggéré. À ce sujet, les perspectives diffèrent d'un groupe de travail à l'autre. Si la valeur du célibat, don à offrir aux communautés indigènes, n'est pas remise en question, le cercle "Italien A" met en garde contre le risque que cette valeur soit affaiblie, ou que l'introduction des viri probati puisse affaiblir l'élan missionnaire de l'Église universelle au service des communautés les plus éloignées. La plupart des rapports, principalement ceux des Espagnols et des Portugais, visant une Église «de présence» plutôt que «de visite», se disent favorables à l'attribution du sacerdoce aux hommes mariés, de bonne réputation, de préférence indigènes, choisis par les communautés d'origine, mais dans des conditions spécifiques. Il est souligné que ces prêtres ne doivent pas être considérés comme des prêtres de deuxième ou de troisième catégorie, mais comme de véritables vocations sacerdotales. Il a aussi été demandé de renforcer la conscience que non seulement l'Eucharistie, mais aussi la Parole, représentent une nourriture spirituelle pour les fidèles dans les communautés locales.
Crise vocationnelle et formation sacerdotale
Compte tenu de l'étendue du territoire panamazzonien et de la rareté des ministres, la création d'un fonds régional pour une "évangélisation soutenable" a été envisagée. En outre, le cercle "Italien A" a exprimé sa «perplexité» au sujet du «manque de réflexion sur les causes qui ont conduit à la proposition de dépasser par une forme ou une autre le célibat sacerdotal exprimé par le Concile Vatican II et par le magistère suivant». On espère aussi une formation permanente dans le ministère, visant à configurer le prêtre au Christ, et il est vivement recommandé que les missionnaires exerçant actuellement leur ministère sacerdotal dans l'hémisphère Nord soient envoyés en Amazonie. Concernant la crise vocationnelle, les cercles mineurs constatent une diminution substantielle de la présence des religieux en Amazonie, et espèrent un renouveau de la vie religieuse qui, sous l'impulsion de la Confédération latino-américaine des religieux, la CLAR, puisse être promue avec une ardeur renouvelée, surtout dans la vie contemplative. Le regard s'est également porté sur la formation des laïcs: qu'elle soit intégrale et non seulement doctrinale, mais aussi "kérygmatique", fondée sur la doctrine sociale de l'Église et conduisant à l'expérience et à la rencontre avec le Ressuscité. Il est aussi proposé de renforcer la formation des prêtres: celle-ci ne doit pas seulement être académique mais avoir lieu dans les territoires amazoniens et fournir des expériences concrètes d'Église en sortie, aux côtés des personnes qui souffrent, dans les prisons ou les hôpitaux. La création de séminaires indigènes, où la théologie locale pourrait être étudiée et approfondie, a également été demandée.
Dialogue interculturel et inculturation
Les Cercles Mineurs ont réclamé la consolidation d'une théologie et d'une pastorale à visage autochtone. Le dialogue interculturel et l'inculturation ne doivent pas être compris comme antithétiques. La tâche de l'Église n'est pas de décider pour le peuple amazonien ou de prendre une position de conquête, mais d'accompagner, de marcher ensemble dans une perspective synodale de dialogue et d'écoute. Par exemple, la proposition d'introduire un «rite amazonien» a été avancée, rite qui permettrait le développement spirituel, théologique, liturgique et disciplinaire de la richesse singulière de l'Église catholique dans la région. Comme l'explique l'un des rapports, «les symboles et les gestes des cultures locales peuvent être valorisés dans la liturgie de l'Église en Amazonie, en préservant l'unité substantielle du rite romain, puisque l'Église ne veut pas imposer une uniformité rigide dans ce qui n'affecte pas la foi». La promotion de la connaissance de la Bible est également suggérée, en encourageant sa traduction dans les langues locales. Dans cette perspective, la création d'un Conseil ecclésial de l'Église panamazzonienne a été proposée, une structure ecclésiastique liée au CELAM, rattachée au REPAM et aux Conférences épiscopales des pays amazoniens. «La cosmovision amazonienne, affirme l'un des rapports, a tant à enseigner au monde occidental dominé par la technologie, très souvent au service de l'idolâtrie de l'argent». Les peuples amazoniens considèrent leur territoire comme sacré: une réflexion sur la valeur spirituelle du biome, de la biodiversité et du droit à la terre doit donc être encouragée. D'autre part, l'annonce de l'Évangile et de la victoire du Christ sur la mort, dans le respect de la culture des peuples, doit être considérée comme un élément essentiel pour comprendre la cosmovision amazonienne.
Mission et martyre
Le missionnaire est appelé à se dépouiller de la mentalité colonialiste, à dépasser les préjugés ethniques, à respecter les coutumes, les rites et les croyances. Les manifestations par lesquelles les peuples expriment leur foi doivent être appréciées, accompagnées et promues, ont souligné les cercles mineurs. La création d'un Observatoire socio-pastoral panamazzonien, coordonné avec le CELAM, les commissions diocésaines Justice et Paix, le CLAR et le REPAM a également été proposée.
Par ailleurs, il faut faire la distinction entre l'Église "indigéniste", qui considère les indigènes comme des bénéficiaires passifs de la pastorale, et l'Église "indigène", qui les considère comme des protagonistes de leur expérience de foi, selon le principe “Sauvez l'Amazonie avec l'Amazonie”. Il est important de valoriser l'exemple lumineux donné par de nombreux missionnaires et martyrs qui, en Amazonie, ont donné leur vie pour l'amour de l'Évangile. Le Cercle "Espagnol A" a suggéré d'encourager les processus de béatification des martyrs d'Amazonie.
Migration, jeunesse et villes
Quant aux populations en situation d'isolement volontaire, il a été demandé qu'elles soient accompagnées par le travail des équipes missionnaires itinérantes. Le thème de l'immigration, en particulier chez les jeunes, a ensuite été évoqué. Aujourd'hui, 80% de la population de l'Amazonie se trouve dans les villes. Il s'agit d'un phénomène qui a souvent pour effets négatifs la perte de l'identité culturelle, l'exclusion sociale, la désintégration ou la déstabilisation de la famille. L'évangélisation des centres urbains devient donc de plus en plus urgente, mais le travail pastoral doit s'adapter aux circonstances, en ne négligeant pas les favelas, les banlieues, ainsi que les zones rurales. Il y a aussi un besoin urgent de renouveler la pastorale des jeunes. Sur le plan pédagogique, il est demandé à l'Eglise de promouvoir résolument l'éducation interculturelle bilingue et d'encourager une alliance de réseaux des universités spécialisées dans les sciences de l'Amazonie et dans l'enseignement supérieur interculturel pour les peuples autochtones.
Protection de la création et dimension écologique
La dimension écologique est centrale dans les rapports des cercles mineurs. Il est réaffirmé que la Création est un chef-d'œuvre de Dieu, et que tout y est lié. Il ne faut pas oublier qu'«une vraie conversion écologique commence dans la famille et passe par une conversion personnelle, par la rencontre avec Jésus». Partant de ce principe, il est impératif d'aborder les questions les plus pratiques, telles que la hausse des températures ou la lutte contre les émissions de CO2. Un mode de vie plus sobre et la protection de biens précieux tels que l'eau sont fortement encouragés. La valeur des plantes médicinales doit également être mise en avant, de même que le développement de projets durables, à travers des cours conduisant à la connaissance des secrets et du caractère sacré de la nature selon la vision amazonienne. Certains cercles proposent de développer des projets de reboisement au sein d'écoles de formation aux techniques agricoles.
Le péché écologique et la promotion d'une économie solidaire
Ainsi, il est proposé d'insérer le thème de l'écologie intégrale dans les directives des Conférences épiscopales, et d'inclure dans la Théologie morale le respect de la Maison commune et les péchés écologiques, y compris par une révision des manuels et des rituels du Sacrement de Pénitence. L'humanité, reconnaissent certains pères synodaux, s'oriente vers la reconnaissance de la nature comme sujet de droit. «La vision anthropocentrique utilitariste est obsolète, et l'homme ne peut plus soumettre les ressources de la nature à une exploitation illimitée qui menace l'humanité elle-même», affirment-ils. Il serait bon de promouvoir également un modèle d'économie solidaire et d'établir un ministère pour le soin de la Maison Commune, comme le propose le cercle "Portugais B".
Synode et communication
Enfin, un certain nombre de rapports abordent la question des médias. Les réseaux de communication catholiques sont encouragés à concentrer leur attention sur l'Amazonie, pour diffuser de bonnes nouvelles, dénoncer les agressions contre la «mère la Terre», et annoncer la vérité. La publication des conclusions de ce Synode via les réseaux sociaux a enfin été encouragée, dans l’espoir que les nombreuses idées et les apports de ce Synode puissent profiter au plus grand nombre.
Source: Vatican News